Le crime - non élucidé - de Commanster
Auteur: Robert Nizet, 05/08/2008
Crédits photographiques: Patrick Germain


Le 27 novembre 1955 éclate à Commanster – alors commune de Beho, actuellement Vielsalm – une étrange affaire qui va faire parler beaucoup de la région. Plus de cinquante ans après, beaucoup de villageois restent réticents lorsqu’on l’évoque.

En 1955 donc, Arsène Lecope, 57 ans, « vieux jeune homme » tient près de l'église de Commanster une ferme avec ses deux sœurs, « vieilles jeunes filles ». Il a l'habitude, presque chaque lundi, son travail avec les bêtes terminé, d'aller à l'sîze chez des amis à l'autre bout du village. Ce jour-la, vers 18h30, le soir est donc tombé depuis longtemps et Arsène s'en va par l'une des deux routes entourant le cimetière.

Comme il vient de passer cet endroit sinistre, il est brutalement agressé par un homme plus grand que lui portant une cagoule noire qui le roue de coups et tente de l'étrangler. Arsène Lecope se traîne ensuite – il ne sait comment – jusqu'à la première maison d'où on le reconduit chez lui comme il le demande. Le médecin qui est appelé se montre rassurant, mais l'état du blessé empire et, malgré la venue d'un spécialiste, il décède quelques jours plus tard !

L'agression devient donc un crime, et la machine judiciaire se met en route.

Deux premiers suspects – dont l'un dénoncé par lettre anonyme – sont entendus puis relâchés. Un chiens pisteur amené sur place conduit à un troisième homme qui sera incarcéré à Namur, compte tenu des présomptions qui pèsent sur lui, mais aussi à cause de ses habitudes assez bizarres. Il n'avouera cependant pas et sera finalement relâché sur l'intervention notamment, semble-t-il, du curé du village.

L'affaire n'a donc pas été élucidée, et un doute subsiste toujours, même si la plupart des habitants de l'époque encore vivants ont leur conviction bien ancrée.

LE VILLAGE GARDE SON SECRET

L'affaire fit grand bruit. L'enquête n'avançant pas, on prétendit même que si elle avait eu lieu en ville, le coupable aurait été démasqué rapidement. Mais ici, c'est l'Ardenne. Et même, disons-le, l'Ardenne profonde. Les paysans n'aiment pas que les gens de la ville, et à fortiori les policiers, viennent mettre leur nez dans leur affaires. Ils collaborent donc peu avec ceux-là et préfèrent se taire.

Cette attitude n'est pas sans rappeler une autre affaire, bien plus célèbre et bien plus grave, qui a défrayé la chronique trois ans auparavant : une famille anglaise – les Drummond père, mère et fille – est massacrée dans un petit village des Alpes de Haute-Provence. Le fermier voisin, Gaston Dominici, sera finalement et après moult péripéties, condamné pour ce triple assassinat. Tout dernièrement, il est apparu qu'il s'agissait d'une affaire d'espionnage. Les villageois, là aussi, n'ont rien dit et on a tenté de cacher certaines choses relatives à la guerre et à la Résistance.

Ce que l'on a appelé, à tort me semble-t-il, le « crime de Commanster » n'était en fait qu'un passage à tabac (par qui, et pourquoi ?) qui a mal tourné. De nos jours, une telle agression devenue, hélas, monnaie courante, n'aurait pas les mêmes conséquences : le blessé serait amené dans l'heure à l'hôpital et serait sans doute sauvé. L'enquête, menée rondement en utilisant des méthodes modernes et scientifiques, conduirait sans doute rapidement à l'arrestation de l'auteur des faits.

Enfin, de nos jours, les curés ne se mêlent plus de ce genre d'histoire et, de toute manière, n'en ont plus le pouvoir.

À l'époque, l'affaire fit les choux gras d'une certaine presse mais le soufflé est vite retombé. Et la disparition, il y a quelque temps, du principal suspect (mais présumé innocent), n'a donné lieu à aucun rebondissement.

Arsène Lecope repose au cimetière de Commanster, où ses deux sœurs l'ont rejoint bien plus tard.


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